J'étais cet enfant qui donnait vie aux figurines. Celle dont l'imaginaire n'avait de limite que la fatigue. Je pouvais rester des heures à inventer des histoires, dotant mes jouets de personnalités et fabriquant toutes sortes de décors pour les faire évoluer. Parfois mes camarades s'arrêtaient de jouer pour suivre le dénouement de mes aventures tel un spectacle. Mais c'est mon petit frère qui a été mon plus grand fan. Très turbulent il semblait comme hypnotisé par ces peluches qui s'animaient sous ses yeux. Encouragés par mon père qui était le premier à leur donner la parole, nos doudous auront bientôt pris une place à part entière dans la famille. Il faut dire que les peluches ont suivi toutes les générations, celle de ma grand-mère avait même connu la guerre. Nous avions chacun notre peluche, un compagnon préféré qui partageait tous nos jeux. C'était un réconfort et un compagnon intime. Nous étions responsables et respectueux.

Nous avons joué innocemment avec nos peluches durant des années. Rien ne leur était interdit comme s'ils allaient se régénérer perpétuellement. Un jour, j'ai commencé à réaliser que rien n'est éternel et que même ce doudou, pourtant essentiel à mon bien-être, pouvait disparaître… pire que c'est mon amour et mes sollicitations qui le fragilisaient. Et alors que certains se disent qu'il est simplement temps de le poser sur une étagère et que pour grandir il faut savoir abandonner cet objet du passé, j'ai cherché une solution. Comment faire pour prolonger leur existence ? Après tout si on avait réussi à les fabriquer, pourquoi ne pourrions-nous pas les ressusciter ? Oui mais alors ils ne seraient pas tout à fait les mêmes… ou alors il faudrait bien le faire…
J'ai passé des heures dans mon lit à étudier leurs coutures, me risquant parfois à des réparations dangereuses retardant un peu l 'œuvre du temps. Je recherche inlassablement des sosies en brocante ou sur le net. Je me suis même rendu chez un passionné d'ours en peluche mais il ne réparaitrait que les ours anciens paillés et mon doudou était un petit chat moderne en mousse… Mais je savais qu'un jour je trouverais un moyen de les réparer , le mien et ceux des autres. Croix de bois, croix de fer… je serai ce « docteur des peluches » qui m'a tant manqué.

DoudouBavard est ma promesse d'enfant.